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Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle

L'Empereur Marc-Aurèle (121-180) nous a laissé une oeuvre philosophique particulièrement intrigante. Les "Pensées pour moi-même" constituent un classique du Stoïcisme romain. Héritier de la pensée d’Épictète et de la grande tradition stoïcienne, son altesse impériale commence son livre par faire preuve d'une humilité certaine en reconnaissant et remerciant tous ceux qui ont participé à son éducation en tant qu'homme mûr, philosophe et empereur. Marc-Aurèle admet qu'il n'a aucun mérite. Il avoue qu'il a été conçu petit à petit par ses parents, ses grands-parents, ses maîtres et surtout les dieux.

Marc-Aurèle est l’héritier d'une longue histoire philosophique qui commence dans la Grèce du IVème siècle Av.JC avec le grand Zénon de Kition, fondateur de la prestigieuse école du Portique. Les stoïciens sont les étudiants du Portique ("Stoa" en grec) et à travers les siècles, le stoïcisme s'enrichit, se transforme. On connait Chrysippe de Soles, Cléanthe, Sénéque etc.

Mais qui sont-ils exactement ? Ce sont des philosophes qui ont vécu leur philosophie telle que les grecs l'ont pratiqué : pleinement corps et âme. Les stoïciens pratiquent une vie ascétique, difficile. Ils ne doivent pas se ménager afin d'accepter leur destin. Car le destin c'est le projet des dieux sur l'homme.

Ce livre se présente comme un ensemble de réflexions misent de façon anarchique sur le papier alors que l'empereur se déplaçait constamment lors de campagnes militaires. Ces discours touchent tous les sujets.

Le premier discours du livre II me toucha particulièrement : "se comporter en adversaire les uns des autres est donc contre nature, et c'est agir en adversaire que de témoigner de l'animosité et de l’aversion".

Ce discours devrait être remis au goût du jour où le projet dit "libéral" encourage à la guerre de tous contre tous. Où la société banalise la violence verbale, provoque sans cesse des crises d'hystérie collective. A cela Marc-Aurèle nous dit : Pourquoi ? Il invoque cette phrase de l'Odyssée homérique : il faut "ne faire de mal à personne et n'en point dire".

Le grand thème stoïcien, Marc Aurèle nous le rappelle : "Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre."

En effet le stoïcien ne doit point s'inquiéter des choses sur lesquelles il n'a aucun pouvoir. Il doit sans cesse vivre selon la nature. Cette nature est donnée, imposée par les dieux.

Pour Marc Aurèle l'homme juste est entièrement au service de la communauté. "Ne mets ton plaisir et ton acquiescement qu'en une seule chose : passer d'une action utile à la communauté à une action utile à la communauté en pensant aux dieux" ou encore il dit : "rendre service, c'est agir conformément à la nature".

L'empereur philosophe préconise un respect strict des lois de la cité, des dieux et de la nature, ainsi qu'un caractère fort, luttant férocement contre les passions tristes que sont l'envie, la colère, la luxure, l'avarice. Marc-Aurèle nous enjoint à "recevoir sans fierté" et à "perdre avec désintéressement".

La métaphysique de Marc-Aurèle est à la fois optimiste est exigeante. L'homme n'est pas né pour avoir du plaisir mais pour servir la nature, la création du monde voulue par les dieux. Le monde a donc un sens qui est imposé à l'homme et qui le dépasse.

Aussi il invite le lecteur à se tourner vers lui-même, à penser pour lui-même et non pour les autres. L'ataraxie, ou la sérénité, ne s'obtient qu'avec cette méditation qui ne vise qu'à vivre le temps présent et accepter la providence comme don des dieux.

C'est pourquoi "il ne faut pas s'irriter contre les choses car elles ne s'en soucient pas".

Dans notre société moderne, ces paroles sont exotiques. Elles sont le fruit d'une réflexion qui recherche la stabilité et la force. Marc Aurèle ne voit l'individu que dans sa relation avec les autres et la nature. Il est une sorte "de père du socialisme" en tant que concept philosophique. On peut toutefois critiquer cette philosophie comme étant liberticide. L'homme ne pouvant s'autodéterminer, il est condamné à sa nature. Il ne peut être heureux qu'en s'acceptant lui-même et en se mettant au service d'une cause plus grande que lui.


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