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Zadig ou la Destinée de Voltaire

S'il s'agissait de Rousseau précédemment c'était pour mieux rebondir sur son soi-disant "rival": Voltaire.

Ce dernier est un peu l'héritier de Lucien de Samosate, l'auteur cynique de l'antiquité qui aimait se moquer de toutes les croyances, de les tourner en ridicule afin de montrer qu'il est tellement plus malin que les autres. C'est un rire de bourgeois qui se moque des croyances des "petites gens".

"Zadig ou la destinée" est un conte philosophique publié en 1747 sous le nom de Memnon. Il fut publié une seconde fois en 1748 avec quelques ajouts.

Voltaire eut du mal à assumer cette oeuvre, déclarant qu'il s’agissait d'une "couillonerie". Mais ne soyons pas surpris, Voltaire a écrit énormément. Son oeuvre est gigantesque et il dit tellement de choses qu'il est difficile de percevoir si oui ou non il est sérieux sur certains sujets. Il aime écrire une oeuvre pour ensuite dire qu'il ne l'a pas écrite, et dénoncer ensuite un camarade philosophe d'en être l'auteur (« sermon des cinquante » etc). Enfin au delà de cet aspect Voltaire est surtout obsédé par l'idée de plaire. Il est très séduisant dans la forme, son écriture est souple, comique, inventive.

Pour ceux qui aiment les petites aventures de cape et d'épée, c'est un régal. Zadig vit tout une série de péripéties. Il est excellent en tout : philosophie, économie, escrime. Il lui arrive des événements extraordinaires : parfois il a des coups de chance incroyables, d'autres fois des mésaventures rocambolesques.

Zadig a pour fonction de démolir les superstitions. Mais en l’occurrence les superstitions dont il s'agit sont réellement ridicules, en effet, elles ne viennent que de l'esprit de son auteur.

Mais en quoi ce conte est véritablement philosophique ? Y-a-t'il vraiment des solutions proposées par Voltaire, notamment sur le sujet de la destinée et de la providence ?

A la fin du conte, Zadig rencontre un sage avec qui il fait un voyage initiatique. Le sage se conduit de façon totalement arbitraire. Il a une logique fort douteuse : il remercie tendrement ceux qui le maltraitent et il brûle la maison de ceux qui l'accueillent avec bienveillance. En fait ce sage est un donneur de leçons insupportable qui se révèle être un ange. Tout le mal qu'il a accompli se révélait être pour un bien. Il justifie ses mauvaises actions sur le fait qu'elles vont porter des bons fruits. Mais l'ange connaissant tout sur tout agit mal sur le court terme mais bien sur le long terme. "C'est un mal pour un bien" car "le mal est nécessaire pour la naissance du bien", selon Voltaire.

On va tout de suite donner les limites de cette pensée philosophique. En effet si faire le mal entraîne le bien est-ce que faire le bien entraîne le mal ? Voltaire déclare en cela que l'on peut justifier le mal seulement si celui-ci produit de la sagesse. Mais en vérité Voltaire ne fait pas vraiment de la philosophie en faisant appel à l'ange mais de l'idéologie et du dogmatisme. La philosophie se base sur l'observation du réel, elle ne révèle rien dogmatiquement, elle observe la nature. Voltaire nous dit, en faisant dire de la bouche d'un ange, que le mal est nécessaire en ce monde car il produit du bien.

Dans ce cas effectivement, un génocide pourrait empêcher l'espèce humaine de pulluler, ou tuer une personne gênante serait une bonne chose pour la société. Si je me trouvais face à Voltaire aujourd'hui je lui donnerais le livre "Crimes et Chatiments" de Dostoievski où le personnage de Raskolnikov pense exactement comme lui. Il tue une vieille femme parce qu'elle est malfaisante et il pense que c'est très bien parce qu'elle empêchait les gens bien de vivre heureux. C'est parfaitement critiquable et Dostoievski nous le montre.

Voltaire fait toutefois montre d'une grande culture. Il utilise des passages du Coran et de la Bible. Il aime montrer qu'il est un savant. On perçoit effectivement son coté mondain.

Zadig est un conte bien écrit mais philosophiquement pauvre. Au fond c'est peut-être la raison pour laquelle Voltaire est davantage étudié dans les études de lettres que dans les études de philosophie.


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