top of page

Manifeste du parti communiste de Marx & Engels

Alors qu’en France nos sujets, dits politique, se limitent aux tweets lancés tels des fientes d’oiseaux et aux discours superficiels, je vais me lancer dans un petit commentaire d’un texte qui a connu un grand succès au XIXème siècle.

Le manifeste du parti communiste, tel que nous le connaissons, a été finalisé en 1872. Mais l’édition la plus ancienne date de 1848. Ce texte est le fruit d’une collaboration entre deux penseurs allemands : Marx et Engels. Les communistes et prolétaires de tous les pays devaient s’unir afin de lutter pour les idées contenues dans ce livre.

L’introduction du manifeste est d’un style particulièrement zélé :

« Il est grand temps que les communistes exposent ouvertement à la face du monde entier leur manière de voir, leurs buts et leurs tendances et opposent aux légendes du spectre communiste un manifeste du parti lui-même »

C’est bien écrit, facile à lire, et enthousiasmant. Toutefois beaucoup de points sont très contestables. En première partie je dirai : le manifeste est excellent. En deuxième partie je dirai : le manifeste est cruellement simpliste, et en simplifiant, il déclare d’odieuses contrevérités particulièrement dangereuses pour qui les prend pour argent comptant. En troisième partie, je donnerai mon opinion personnelle.

Le livre commence ainsi :

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes ».

Après la révolution industrielle se développe une société bourgeoise moderne. Les bourgeois forment la classe des nouveaux capitalistes, propriétaires des moyens sociaux de production et les employeurs des salariés.

« La société entière se scinde de plus en plus en deux grands camps hostiles, en deux grandes classes qui se font directement face : la bourgeoisie et le prolétariat. »

Nous sommes donc dans une vision assez binaire de la société. Mais ce point de vue est intéressant car il permet de percevoir la nature des tensions sociales. Aussi Marx et Engels expliquent que la Bourgeoisie s’est imposée grâce aux révolutions du XVIIIème et du XIXème siècles en détruisant les anciens rapports humains archaïques pour les remplacer par un autre lien : celui de « l’intérêt tout nu, le dur « paiement comptant » ».

« Elle (la bourgeoisie) a dissout la dignité personnelle dans la valeur d’échange et substitué aux innombrables libertés reconnues par lettres patentes et chèrement acquises la seule liberté sans scrupule du commerce »

Ça fait mal n’est ce pas ? Marx se lance dans un procès à charge contre la bourgeoisie et son idéologie libérale.

« Le bouleversement constant de la production, l’ébranlement incessant de toutes conditions sociales, l’insécurité et l’agitation perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les époques antérieures ».

D’ailleurs grâce au perfectionnement rapide de tous les instruments de communication, de production, toute les nations sont entraînées dans cette civilisation libérale et bourgeoise. Les ouvriers sont donc réduits à être des accessoires jetables selon les besoins du capital.

Aussi Marx distingue une troisième classe située entre les deux, c’est la petite bourgeoisie (la classe moyenne) destinée à disparaître. Elle est réactionnaire, elle n’est pas révolutionnaire, et il semble que pour les deux auteurs, on ne puisse rien tirer d’elle.

Marx et Engels confient donc la mission des prolétaires :

« ils ont à détruire tout ce qui jusqu’ici, était garanti et assurance de la propriété privée »

et il rassure ses militants en déclarant :

« La bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeurs (les prolos révolutionnaires). Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inéluctables ».

Dans la deuxième partie les deux auteurs dévoilent leur projet politique avec plus de précision. En relisant cette partie, on s’aperçoit que les États dits communistes tels que l’URSS, la Corée du Nord ou la Chine n’ont jamais mis en pratique ce projet politique dans son ensemble :

« Si donc le capital est transformé en une puissance collective, appartenant à tous les membres de la société, ce n’est pas une propriété personnelle qui se transforme en propriété sociale. C’est seulement le caractère social de la propriété qui se transforme. Il perd son caractère de classe »

Cette citation doit vous faire réfléchir. A-t-on déjà vu un État communiste (ou non communiste) dont le capital serait collectif : non. Nous avons eu les Kolkhozes en Russie. Mais même s’il s’agissait d’un semblant de collectivité cela avait peu de choses à voir avec ce que propose Marx d’autant que dans les kolkozes, les enfants travaillaient. Dans le manifeste l’auteur est très hostile au travail des enfants. Maintenant l’efficacité des Kolkhozes fut exagérément dépréciée par nos atlantistes. Toutefois le résultat sur l’agriculture animale est catastrophique. Car de nombreux paysans ont préféré tuer leurs bêtes afin de profiter de la viande plutôt que de devoir partager. Aussi sous l’URSS, les exploitations ont été mises en collectivité, mais ce n’est pas le cas du capital qui lui, appartenait à une oligarchie du parti. D'ailleurs même Trotski disait que la mise en place des collectivisations avaient été réalisée à la va-vite.

La question des inégalités est bien abordée dans la manifeste :

« Vous vous indignez que nous voulions abolir la propriété privée. Mais dans votre société actuelle, la propriété privée est abolie pour les neuf dixièmes de ses membres ; si elle existe, c’est précisément qu’elle n’existe pas pour neuf dixièmes ».

Qui aujourd’hui peut remettre en cause, qu’effectivement, les inégalités n’ont de cesse de s’agrandir dans la société capitaliste ? La mondialisation a encore aggravé le problème.

Certains ont même reproché à Marx et aux communistes de ne pas être des patriotes. Marx réussit à répondre très justement à ce reproche :

« Les cloisonnements nationaux (…) disparaissent de plus en plus du seul fait des développement de la bourgeoisie, de la liberté du commerce, du marché mondial, de l’uniformité de la production industrielle et des conditions d’existence qu’elle entraîne ».

Il est clair que l’économie est en train de détruire les nations et ce n’est pas la faute des communistes mais une conséquence des intérêts bourgeois. En celà il a parfaitement bien compris les conséquences de la dynamique du libéralisme. D’ailleurs n’a-t-on pas l’impression que les États deviennent de plus en plus « fantoches » en s’intégrant dans des grands ensembles et en servant minablement des intérêts privés (des grandes entreprises et des banques en général).

Marx déclare :

« Le prolétariat utilisera sa domination politique pour arracher peu à peu à la bourgeoisie tout capital, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État, c’est à dire du prolétariat organisé en classe dominante »

Dans la troisième partie Marx se lance dans une critique des différentes formes de socialisme. Pour lui ces idéologies sont également d’origine bourgeoise même s'il y a des semences de vérité.

Toutefois le manifeste commet de graves erreurs dialectiques. En observant bien le langage des auteurs on s’aperçoit qu’ils ont une vision très déterministe. En effet pour eux c’est le sens de l’histoire qui agit comme un vent en leur faveur. C’est à dire que non seulement ils croient que l’histoire a un sens (ce qui n’est pas évident historiquement et philosophiquement parlant) et ils estiment être les seuls à le connaître. Quand ils parlent « des réactionnaires » (réactionnaires selon eux) ils déclarent

« Ils cherchent à faire tourner à l’envers la roue de l’histoire ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que cette classe moyenne n’a aucun intérêt pour eux. Il parle souvent de cette « progression historique inéluctable du prolétariat ».

Certains vous diront, comme moi, qu’il n’y a pas de progression historique. Sur quels critères cette progression se fait-elle ? Le prolétariat est une conséquence de la Révolution industrielle. Dans un monde désindustrialisé, ce prolétariat ne va pas réellement disparaître mais il va muter sans aucun doute. C’est d’ailleurs toujours dangereux de considérer que l’on possède le sens de l’histoire, car c’est la porte ouverte à l’idéologie : et donc au dogmatisme philosophique. La politique ne doit pas être mise au service de l'histoire mais au service du bonheur des individus.

Dans les religions monothéistes, on suppose un sens de l’histoire mais ce sens est davantage d’ordre spirituel. Il est donc normal qu’il y ait des dogmes de croyances afin d’intégrer la religion. Mais ici, on crée en fait une sorte de religion artificielle, où l’histoire du monde est l’histoire de la lutte entre deux classes, dont l'une est gentille et l’autre, méchante.

En fait l’analyse que fait Marx est tout à fait pertinente dans son observation du réel, son état des lieux est criant de vérité sur la question des inégalités et sur la question de la disparition des nations au profit d’une classe de bourgeois. Mais pour Marx, les classes devraient disparaître par dilution chimique au profit d’une seule qu’est le prolétariat. En fait le communisme passe pour être scientifique alors qu’il est religieux dans son fond.

« le communisme, lui, abolit les vérités éternelles, il abolit la religion, la morale, au lieu de leur donner une forme nouvelle, il contredit donc tous les développements historiques antérieurs »

Effectivement le communisme en fait, ne propose pas un angle de vue différent sur les religions existantes. Il veut les abolir. Et donc quoi de mieux pour détruire la religion que d’en créer une nouvelle ?

« Lorsque le monde antique était en plein déclin, les religions de l’Antiquité furent vaincues par la religion chrétienne. Lorsque les idées chrétiennes succombèrent au XVIIIème siècle, aux idées des Lumières, la société féodale en était aux derniers soubresauts et sa lutte à mort avec la bourgeoisie alors révolutionnaire ».

Cette dernière citation est fausse; non seulement le monde Antique ne fut pas vaincu par la religion chrétienne, mais antiquité est une époque, qui comme toute les époques possèdent un début et une fin. Il a fallu attendre le IX ème siècle pour qu’il y ait une majorité de chrétiens en Occident.

Les indiens d’Amérique n’ont jamais connu l’antiquité. Les incas et les mayas n’ont jamais connu les Lumières. De plus au XVIIIème siècle l’occident n’était déjà plus une société féodale ni une société bourgeoise. C’étaient des états centralisés avec des ordres et des corporations dont l’équilibre était assuré par le Roi.

Et puis :

« A la vieille société bourgeoise avec ses classes et ses oppositions de classes se substitue une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Aussi j’attends, moi une définition de ce qu’est le « libre développement de chacun » puisqu’ en détruisant les nations, les religions etc. Que va-t-il rester car il semble exclure le développement matériel et le développement spirituel ? Finalement, que signifie « être heureux » selon Marx ? On ne le sait pas. Une société plus juste ? Est on sûr que la société va rendre les gens plus heureux ? Certains vont vivre heureux dans une telle société, d’autres vont vivre heureux dans une autre société. Une société universelle est donc impossible pour le bonheur du plus grand nombre, puisque tous les hommes ont des aspirations différentes. Aussi n'est ce pas plutôt la volonté de croissance éternelle de la société libérale et bourgeoise qui détruit le droit au bonheur des humains ? Car ceux qui ne veulent pas vivre ainsi, ceux qui sont obligés de jouer le jeu des besoins du capital qu'ils ne possèdent pas, et les autres qui en plus ne veulent ni vivre pour le capital ni posséder le capital comment vont-ils trouver le bonheur en cette vie ?

Aussi quand on propose une révolution il faut répondre à trois questions. Les deux auteurs répondent à deux questions sur les trois : Pourquoi la faire ? Comment la faire ? En vue de quoi ?

Si la seule réponse de Marx à la troisième question est : « pour le progrès historique du prolétariat » je jette ce livre au feu car ce n'est pas suffisant. C'est l'homme qu'il faut changer. En imposant sa vision de la société aux autres on ne les rend pas heureux. Finalement l'idéologie capitaliste est mauvaise parce qu'elle s'impose de plus en plus à nous, et en cela je ne vois pas de différence avec l'idéologie communiste qui souhaite également s'imposer. La différence réside dans la recherche d'une égalité entre les individus afin que chacun possède la même chose. Malgré une bonne volonté, je ne pense pas que ce soit la clef du bonheur, et le capitalisme, encore moins.

Rousseau était plus modéré, car il avait effectivement pressenti dès le milieu du XVIII ème siècle l'arrivée de la société bourgeoise. Aussi il voulait que ce soit l'Etat qui garantisse un minimum d'égalité, il disait :

« l’une des fonctions les plus importantes du gouvernement est de prévenir l’extrême inégalité des fortunes. »

et il disait surtout qu'il fallait combattre le luxe, car il rend les hommes malheureux et faibles :

Le luxe, « corrompt tout, et le riche qui en jouit, et le misérable qui le convoite ».

Aussi cette convoitise crée des inégalités entre les citoyens en plus d’affaiblir leur dévouement au bien commun.

Selon moi (ça vaut ce que ça vaut), la critique de Rousseau est plus précise, moins belliciste, moins destructrice que la critique dogmatique de Marx. Car ce dernier ne se met pas au service d'une cause universelle qu'est le bonheur des individus, mais seulement d'une soi-disante égalité materialiste forcée dont finalement nous connaissons assez peu l'aboutissement.


bottom of page