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Apologie de Socrate de Platon

Socrate est un nom qui doit vous titiller l'oreille. En effet en philosophie, Socrate est un personnage presque mythique. D'ailleurs il est une figure aussi quasi-christique puisqu'il y a un après Socrate et un avant Socrate. En effet on parle des philosophes présocratiques et des philosophes post-socratiques. Nous allons résoudre la question suivante : pourquoi autant de gloire lui est attribuée ? Car en effet Socrate n'a laissé aucun écrit, c'est son élève Platon (-428 à -347) qui nous le fait connaitre à travers une série de dialogues dont l'objectif est la recherche de la vérité. C'est la dialectique.

L'apologie de Socrate nous présente une sorte de procès. Socrate est accusé par Mélètos, Anytos et Lycon, de ne pas reconnaître les dieux de l’État, d’introduire de nouvelles divinités et de corrompre la jeunesse. La peine requise contre lui était la mort.

Socrate se défend des accusations qu'on lui porte en commençant par déclarer:

"...c’est aujourd’hui, la première fois que je comparais devant un tribunal, et j’ai plus de soixante-dix ans ; aussi je suis véritablement étranger au langage qu’on parle ici." (Ap.1)

En effet Socrate est âgé et il est déjà célèbre dans la cité d'Athènes. Il a depuis longtemps beaucoup d'opposants philosophiques. D'autant que sa méthode ne manque pas de désarçonner. Il est le fondateur de ce qu'on appelle la "maïeutique" (l'art d'accoucher les âmes) où grâce à une série de questions bien déterminées, il réussit a en tirer une vérité.

Socrate commence donc par déclarer son inquiétude justifiée face à ces accusations :

"J’ajoute que ces accusateurs-là sont nombreux et qu’ils m’accusent depuis longtemps ; en outre ils s’adressaient à vous à l’âge où vous étiez le plus crédules, quand quelques-uns de vous étaient encore enfants ou adolescents, et ils me faisaient un véritable procès par défaut, puisque personne n’était là pour me défendre." ou encore :

"Cela dit, Athéniens, il faut à présent me défendre et tenter de vous ôter la mauvaise impression que vous avez nourrie si longtemps, et vous l’ôter dans un temps bien court. Je voudrais bien y parvenir, si vous et moi devons en tirer quelque avantage, et ne pas perdre ma peine à faire mon apologie ; mais cela me paraît difficile et je ne me fais pas d’illusion sur ce point."

Socrate se met ensuite à justifier le fait qu'il a du plaisir à enseigner aux jeunes pour leur plus grand bien et que son enseignement n'a pas seulement une origine égoïste mais une origine divine. (On réalise qu'en réalité Socrate n'est pas du tout un incroyant)

"il (Khairéphon, ami d'enfance de Socrate) demanda, dis-je, s’il y avait au monde un homme plus sage que moi (Socrate). Or la pythie lui répondit qu’il n’y en avait aucun.(...) Que veut-il donc dire, quand il affirme que je suis le plus sage ? car le dieu ne ment certainement pas ; cela ne lui est pas permis. »

C'est alors qu'ensuite Socrate se lance dans une recherche de la sagesse et il rencontre des sages reconnus afin de tester la sagesse du sage face à la sienne. Il découvre que le fait de n'avoir aucun à priori de sagesse est une sagesse, c'est même la plus grande selon lui. ("Je sais que je ne sais rien")

"Il me fallait donc, pour m’enquérir du sens de l’oracle, aller trouver tous ceux qui passaient pour posséder quelque savoir. Or, par le chien, Athéniens, car je vous dois la vérité, voici à peu près ce qui m’arriva. Ceux qui étaient le plus réputés pour leur sagesse me parurent être, sauf quelques exceptions, ceux qui en manquaient le plus"

Après les sages, Socrate rencontre les poètes et artistes et il remarque qu'ils n'ont aucune sagesse pour eux-même. Ils sont seulement inspirés. Puis ensuite il rencontre les artisans qu'il trouve parfois savants mais imbus d'eux-même.

"chacun d’eux se croyait très entendu même dans les choses les plus importantes, et cette illusion éclipsait leur savoir professionnel"

En fait Socrate se place entièrement au service du dieu de l'oracle. Mais c'est cette recherche insolente de sagesse qui a attiré vers lui la haine et la renommée. Deux citations de Socrate résument bien la situation :

"les fils des familles les plus riches, prennent plaisir à m’entendre examiner les gens et souvent ils m’imitent eux-mêmes et ils essayent d’en examiner d’autres, et il est certain qu’ils trouvent bon nombre de gens qui croient savoir quelque chose et qui ne savent rien ou peu de chose. Par suite, ceux qu’ils examinent s’en prennent à moi, au lieu de s’en prendre à eux-mêmes"

et il ajoute très habilement :

"et disent qu’il y a un certain Socrate, un scélérat, qui corrompt la jeunesse. Leur demande-t-on ce qu’il fait et enseigne pour la corrompre, ils sont incapables de le dire : ils l’ignorent ; mais pour ne pas laisser voir leur embarras, ils vous répondent par ces banalités qu’on ressasse contre tous ceux qui s’occupent de philosophie"

Après ces tirades efficaces Socrate va répondre à l'accusation de détourner la jeunesse. Pour cela il se lance dans une fameuse dialectique très plaisante :

"Alors tous les Athéniens, à ce qu’il paraît, les rendent beaux et bons, excepté moi, et je suis le seul qui les corrompt. C’est bien cela que tu dis ?

– C’est exactement cela.

– Je n’ai vraiment pas de chance, si tu dis vrai. Mais réponds-moi. Crois-tu qu’il en soit de même, s’il s’agit de chevaux, et que tout le monde soit à même de les dresser et qu’un seul homme les gâte ? ou est-ce tout le contraire, et n’y en a-t-il qu’un seul, ou un très petit nombre, les écuyers, qui soient capables de les dresser, tandis que la plupart des gens, s’ils les montent et s’en servent, ne font que les gâter ?"

Socrate prend plaisir à retourner les accusations contre son accusateur en montrant qu'il se contredit. En effet Socrate amène Métélos dans un jeu de question-réponses ou il sera totalement décrédibilisé. Un dernier exemple, Métélos reproche à Socrate de ne pas croire aux dieux et d'enseigner des choses démoniaques. Socrate lui demande d'abord s'il pense que c'est consciemment qu'il apprend aux jeunes de telles choses. Métélos lui répond que oui. Socrate alors lui répond que s'il croit aux démons par ses enseignements il croit forcément aux dieux qui leurs sont à la fois antagonistes et parents.

"Ce serait aussi absurde que de croire que les mulets sont fils de juments et d’ânes, mais qu’il n’existe ni chevaux ni ânes."

A la fin, Socrate répète son but et se légitime par une vie sans faute et sans tâche. Il dévoile donc cette pensée très platonicienne :

"Je n’ai pas en effet d’autre but, en allant par les rues, que de vous persuader, jeunes et vieux, qu’il ne faut pas donner le pas au corps et aux richesses et s’en occuper avec autant d’ardeur que du perfectionnement de l’âme."

Toutefois par son "arrogance" et sa dialectique Socrate, va être condamner à mort. Loin de s'en inquiéter le philosophe répond qu'il vaut mieux subir une injustice que la pratiquer. Celui qui commet l’injustice souille son âme, et celui qui a subi l’injustice ne subit pas de tort à l’âme.

Enfin ce livre fonde la philosophie en ce sens où la doctrine dispose d'un martyr parfait.


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